Il s'appelait ROGER FISCHER . Il était devenu SDF et son seul bien , son seul trésor , sa seule consolation ...c'était sa gentille petite chienne un berger belge du nom de NIKITA.
Je ne pourrai jamais oublier leurs noms , leur passage dans la ville de LANGRES, l'histoire de ROGER sans toit , sans famille ,transit de froid ,et la fin de cette journée marquante. C'était le 26 DECEMBRE 1998 , une journée qui se termina pour un SDF...en conte de NOËL.
A cette époque , j'habitais au centre ville et faisais mes courses à pied dans le quartier comme de coutume. J'étais en congés ce jour là . Et c'est de bonne heure le matin que j'ai traversé un porche étroit donnant accès à une petite place fermée située au milieu d'un pâté de maisons plusieurs fois centenaires . Ce quartier limitrophe à mon ancien domicile ,est un vieux quartier typiquement LANGROIS et non loin de la maison natale de DENIS DIDEROT .
Il faisait froid et tout semblait désert. C'est alors qu'un gros chien apparut et se dirigea droit vers moi. En l'observant, j'ai deviné tout de suite que l'animal n'était pas méchant .Puis son maître arriva à son tour et ordonnant à son chien de se coucher. L'homme me rassura inutilement et me dit que le toutou , c'était sa chienne prénommée NIKITA . Il était visiblement ravi de me voir sympathiser avec son toutou ,et de pouvoir converser tout simplement avec moi. Vêtu d'une parka défraîchie et crasseuse, d'un pantalons usé et d'une vieille écharpe ,il avait un visage buriné, ridé, marqué de cernes autour des yeux et portait une barbe de plusieurs jours.Tout laissait deviner que mon sympathique interlocuteur était un SDF qui semblait errer dans les rues et ne savait ou aller. Reprenant sa chienne en laisse , il reprit son chemin ,et moi j'ai continué le mien empressant le pas . A fur et à mesure que le temps passait , le froid devenait vif et insupportable. Mon panier de commission rempli et sortie de la supérette, j'avais vraiment hâte de rentrer chez moi . Quand t'en revenant sur mes pas et repassant devant la banque postale , j'ai eu la surprise de revoir ce SDF immobile assis devant l'entrée de la banque , le bonnet par terre attendant quelques pièces des passants, qui se faisaient rares. Son visage rougi et triste , montrait qu'il avait froid . Je regardais ce bonnet quasiment vide et réalisais que la matinée se terminait.Les magasins allaient fermer en moins de deux heures . Bouleversée devant cette situation inattendue et déplorable, je ne pouvais pas fermer les yeux et continuer . Je me suis donc tout simplement arrêtée pour renouer le dialogue avec cet homme. Abordant mon sourire qu'il me rendit aussitôt ce pauvre gars, je lui fit remarquer qu'il n'avait pas de quoi s'acheter un repas et que les commerçants allaient bientôt baisser leur rideau. Il était touché de voir mon approche spontané , d'autant plus qu'il ne devait pas avoir l'habitude de se faire aborder ainsi. C'est alors que j'ai pris l'audace de lui poser des questions .Après tout cet homme que j'avais croisé quelques heures auparavant , s'était montré tout à fait correct . pourquoi devrais je avoir peur?..."Ca fait longtemps que vous êtes à LANGRES?" "NON je suis arrivé depuis presque une semaine ! ""Excusez moi de mon indiscrétion , mais vous dormez ou ? "... "J'ai trouvé refuge dans un ancien établissement situé à côté du camping NAVARRE! Vous voyez Madame ? C'est un ancien bâtiment tout délabré , il n'y a plus de carreaux au fenêtres". "Oui Monsieur ! Je crois savoir , mais vous ne pouvez pas continuer à y dormir ni à rester ici par ce ce froid sibérien!!! Ëtes vous allé à la mairie pour être mis en contact avec des personnes s'occupant du social? ...car je crois savoir qu'il y a un partenariat avec le FJT (foyer des jeunes travailleurs) , et ou ce dernier dispose une chambre pour les personnes dans votre cas". "Oui j'ai vu la municipalité mais on m'a refusé de l'aide. Le maire m'a dit de me débarrasser de mon chien pour dormir au FJT."Mais c'est honteux Monsieur " lui ai-je répondu indignée . "Vous demander d'abandonner votre chienne? avez vous bien compris?"" Et oui Madame ! me répond t'il affirmatif. Mais il est pour moi impensable de commettre un tel acte. NIKITA est mon seul bien qui me reste, ma consolation .Heureusement que je l'ai . C'est une chienne qui avait été déjà abandonnée et que j'ai adopté". Je restais interdite, immobile devant lui et regardais NIKITA se blottir dans les bras de son maître en quête d'une caresse. Elle savait que nous parlions d'elle.
(photo d'un berger belge ressemblant à NIKITA)
Il fallait à présent me ressaisir car ce type n'allait pas manger grand chose et était condamné à finir frigorifié." S'il vous plaît Monsieur! Je ne sais pas encore comment je vais m'y prendre , ni si je vais parvenir à mon but . Mais ...je vais tenter quelques chose pour vous .Je vous demande de me croire et dîtes moi ou vous retrouver avant 13 heures." "Je serai dans le bâtiment délabré à droite de l'entrée du camping NAVARRE ". Je lui ai répondu en le quittant "Donc... à tout à l'heure Monsieur !". Il me remerciant et me fît un signe amicale .
Il me fallait très peu de temps pour réfléchir à ce que j'allais faire et tenir ma parole donnée à ce vagabond. Et aussitôt rentrée , je racontais l'histoire à mon compagnon qui est le papa de mon fils . Il est devenu à présent mon mari. Ne conduisant pas ,je lui ai demandé si il acceptait de me donner un coup de main en cas de besoin , et sa réponse à été OUI! sans une seconde d'hésitation. Connaissant sa gentillesse depuis tant d'années déjà , je savais avant de me confier à lui , qu'il ne refuserait pas un service. J'avais déjà de la suite dans mes idées , et aussitôt j'ai décroché le téléphone et appelé une amie . Et comment ne pas penser à MONIQUE , cette amie en question ,c'est un rayon de soleil , pleine de douceur et toujours dans la bonne humeur .Quand on a le cafard et que l'on rencontre MONIQUE , on se sent mieux . Elle est religieuse et sa communauté résidait à l'époque dans la rue principale de LANGRES . L'immeuble qui appartenant au diocèse, était tout à côté de l'école du sacré coeur ou mon fils YANNICK était scolarisé. Nous nous connaissons depuis de nombreuses années , et j'allais de temps en temps boire le café les SAMEDI matin ,après avoir déposé mon gamin à l'école. Au premier contact téléphonique, elle m'invita à venir afin de lui parler du problème." Je m'apprête à partir quelques jours en SUISSE .Mais pour toi FRANCINE, je vais le retarder quelques minutes. " J'ai mis moins de 10 minutes pour m'y rendre . L'histoire terminée , je lui demandais si elle connaissait une adresse , une personne , pour diriger ce SDF... MONIQUE resta un moment silencieuse et après avoir réfléchi , elle me suggéra la communauté d'ËMMAUS . Cette communauté se situe dans un village (FOULAIN) et à une vingtaine de kilomètres. Après m'avoir donné les coordonnées je la quitta en lui souhaitant un bon séjour , et me dépêcha de contacter cette fois -ci les compagnons de FOULAIN.
Il était environ midi et demi , quand j'ai réussi à avoir le responsable de la communauté au bout du fil et de lui expliquer la situation d'un SDF avec son chien , gelant dehors par une température de moins 10 degrés. Je lui ai supplié"S'il vous plaît Monsieur! ...Vous n'avez rien à craindre de la chienne .Elle est adorable !" ..."c'est alors que mon interlocuteur me répond gentiment ..." Mais Madame , je comprend et dans ce cas j'accepte de les accueillir . Cependant , il faudra fabriquer une niche juste devant la porte du logement . Rendez vous cet après midi , vers 16 heures!.
Quel instant de joie !... Je venais de gagner une belle étape .Et de savoir que ce pauvre homme dormira ce soir au chaud, j'en étais toute excitée à l'idée de lui annoncer la bonne nouvelle. Sans perdre un instant , je suis à nouveau sortie et couru jusqu'à l'ancien bâtiment refuge du SDF. C'était bien la première fois que je franchissais une entrée sans porte d'un immeuble délabré , insalubre ,aux fenêtres dépourvues de carreaux et ou le froid s'engouffrait dans les les pièces lugubres . L'obscurité régnait à l'intérieur et j'ai eu un peu peur . Reculant pour revenir à l'entrée , j'appelais ... "Hello êtes vous là ? " Les aboiements de NIKITA firent disparaître mon angoisse , puis le chien et son maîtres apparurent immédiatement.
Surpris de me revoir de nouveau , cet homme m'avoua qu'il ne croyait pas que j'allais vraiment chercher un abri pour lui . La raison est que quand car les gens s'arrêtent , ce n'est que pour quelques secondes ,le temps de lui poser une pièce . "Monsieur !" lui ai-je dit ..." on voit que vous ne me connaissez pas". "Je n'ai qu'une parole "..."Je vous ai dit que j'essaierais vous trouver un toit pour dormir et sans vous séparer de NIKITA. J'ai trouvé la solution et vous raconterai comment. Prenez vos affaires et nous partons chez nous . "Oh merci Madame!" me réponda t'il " Je n'y croyais pas , je n'y croyais pas " Répéta t'il à plusieurs fois .Puis il enchaîna " Je n'ai pas grand chose à moi , juste un sac de couchage que vous voyez , et qui est en piteux état , et mon sac à dos ". Que c'est honteux de laisser des humains dans une telle situation , ai-je pensé. Le sac était posé à même sur le sol en terre battue. Et c'est comme ça qu'il se couchait dans cet endroit glacial. Je crois qu'un cet instant , la haine s'est installé dans mon coeur . J'aurais aimé que la municipalité de LANGRES de cette époque , vienne voir comment des humains puissent vivre ainsi. Je n'aurais jamais toléré ça , même pour un chien. Il faut voir pour y croire , que ça ce passe comme ça à notre époque . Mais il fallait cesser mes pensées et ma colère de côté . Je lui dis " Mon mari est tout aussi ravi de vous recevoir. Vous avez mangé? "..." Non Madame ! Je n'avais juste pour acheter une boite pour NIKITA et une barre de chocolat. Ma chienne passe avant moi ." Et bien Monsieur , il se trouve que nous n'avons pas encore mangé , et quand on a à manger pour trois, on en a pour quatre. Mais nous mangeons des restes du repas de NOËL.Puis quand nous aurons fini , mon mari et moi vous emmènerons à FOULAIN un petit village , sur la route de CHAUMONT.....
L'histoire de ROGER
Je venais de rentrer avec mes deux invités , que la table était mise avec soin par HENRI mon compagnon.
Il avait tout préparé et avait invité notre sdf à prendre place parmi nous. Il n'était toujours pas remis de ses émotions, et d'emblée nous l'avions mis à son aise. S'en suivi les présentations autour d'un apéritif maison et des amuses bouche. ROGER ,détendu nous apprit qu'il avait vécu en HAUTE-SAÖNE . Il avait eu un cap mécanique , puis était devenu dresseur de chiens pour l'armée .Il nous parlait longuement de son métier qu'il aimait tant , puis marqua un silence ,et son visage s'assombri. Mais HENRI n'ayant pas prêté attention ,car il était assis à côté de lui et moi en face,s'aperçut qu'il manquait du pain , et s'excusa pour aller à la boulangerie du quartier .Il venait à peine de sortir , que notre interlocuteur ayant une carapace apparemment...endurcie , se mis à fondre en larmes comme un enfant. Il n'arrivait plus à se retenir et en était gêné quand mon compagnon réapparut avec les baguettes de pain sous le bras
Excusez moi ! nous dit 'il "Mais il y a tellement longtemps que je n'ai pas fait de repas comme cela . Des crudités , des escargots , des fruits de mer , toasts au foie gras , de la dinde ,champagne vins pommard , sauterne ... et vous me demandez si j'aime tout ça? . Avant hier , Je n'ai pas eu le courage de faire la manche à la sortie de la messe. J'ai passé le réveillon et la journée d'hier enfermé dans l'ancien immeuble en ruine. J'ai pleuré comme vous me voyez en ce moment . Heureusement que NIKITA est là pour me consoler. Elle est intelligente , et j'ai l'impression qu'elle a envie de me répondre , quand je lui parle .
"J'ai préféré rester comme cela plutôt que de voir des couples avec leurs enfants , sortir de l'église. De les voir , me fait replonger dans le temps ou j'avais encore ma femme et mes trois enfants. C'est trop dur pour moi! Ce n'est pas la faim et le froid le plus insoutenable pour moi ,mais la solitude. " Vous êtes divorcé ? lui demandais je ..."non , j'ai perdu ma famille dans un accident de la route!.."Vous souvenez vous d'un drame qui s'est produit sur l'autoroute sur AUXERRE ? " J'ai répondu .." vaguement , car il en a eu tellement des drames sur les routes ..Il raconta qu'un car avait brûlé avec toute sa famille . ROGER sortit seul vivant , mais grand brûlé. Il resta plusieurs mois dans le comas. Quand il en est sorti , c'était pour apprendre que son épouse et ses enfants y étaient restés. ROGER n'avait plus envie de vivre . Il lui fallu des mois de rééducation. A la sortie ,c'est là que l'exclusion s'est produite. Déboussolé , il ne lui restait plus rien , plus de maison , plus de travail , plus de famille.
Le repas se terminait et NIKITA a également eu droit à des petites gâteries . Je revois son maître rire aux éclats , quand il me regardait souffler les pâtes aux gruyère de façon qu'elles ne soient pas trop chaudes pour la chienne. Puis j'ai eu droit à un compliment sur la bûche de NOËL que je fais toujours moi même.
Nous n'avons pas vu l'heure tourner , tellement cet instant était convivial .Nous venions finir de boire un café , que déjà il était 15h 30 passé . C'était l'heure du départ pour FOULAIN.
Arrivée à FOULAIN
Nous sommes arrivés avec un peu de retard sur notre rendez vous . Je me suis excusée auprès du responsable de la communauté d'ËMMAUS , qui s'est montré compréhensif. L'accueil était chaleureux. Puis après une brève conversation , il nous montra du doigt l'un des pavillons neufs dans lequel ROGER allait désormais habiter. Puis on nous demanda à HENRI et moi , de rester un instant sur place.
Nous regardions les deux hommes et le chien s'éloigner pour aller visiter la future habitation de celui qui était devenu le plus heureux de la planète . Au bout d'une attente interminable une demie heure environ , c'était un ROGER totalement transformé , rayonnant de bonheur et qui revenait vers nous. Il s'exclama " Je n'en reviens pas , je crois rêver ... Un vrais lit , un coin salon , le chauffage , la télévision , et une douche avec eau chaude !! Merci FRANCINE ! Merci HENRI , votre femme est un ange envoyé du ciel !!!! Flattée mais gênée , je lui ai quand même dit que non seulement j'avais plein de défauts , mais sans MONIQUE et sans L'aide d'HENRI , je ne serais pas parvenue à lui procurer un lit , une douche et une télévision. Nous nous sommes approchés des maisonnettes pour regarder l'intérieur . C'était vraiment confortable , flamboyant neuf et sympathique. Puis ROGER nous parla d'un règlement stricte à l'intérieur de la communauté d'EMMAUS , et que nous ignorions totalement. Nous apprenions par exemple que l'alcool était interdit. A présent , l'heure était venue de faire nos adieux . ROGER devait fabriquer la niche de NIKITA et la journée se terminait. Nous nous sommes embrassés et nous nous sommes quittés en promettant de ne jamais s'oublier.